Différence de traitement illégale de la retenue à la source d’une société non résidente

Le 27 novembre 2019, le Conseil d’Etat a rendu une décision très importante dans le domaine de la fiscalité internationale. Cette décision traite de l’épineuse question de la retenue à la source. Il se prononce sur le traitement discriminatoire de la retenue à la source.

Les contribuables ressortissants de l’Union européenne (UE) ne doivent pas subir de traitement discriminatoire lors de l’exercice d’une des libertés de circulation de l’UE. En effet le droit de l’UE prohibe la différence de traitement d’une retenue à la source au sein de l’UE. Ainsi, le Conseil d’Etat analyse la différence de traitement à la fois au regard de la libre circulation des capitaux et de la liberté d’établissement.

Une différence de traitement contraire à la libre circulation des capitaux

 » 6. Dans l’arrêt du 22 novembre 2018 par lequel elle s’est prononcée sur les questions dont le Conseil d’Etat, statuant au contentieux l’avait saisie à titre préjudiciel par sa décision du 20 septembre 2017, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que, du fait de la différence de technique d’imposition des dividendes entre les sociétés non-résidentes, qui sont imposées immédiatement et définitivement lors de leur perception par une retenue à … de droit commun de l’impôt sur les sociétés ne se réalise à la fin de l’exercice au cours duquel ils ont été perçus qu’à la condition que le résultat de cette société ait été bénéficiaire durant cet exercice, une telle imposition pouvant, le cas échéant, ne jamais intervenir si ladite société cesse ses activités sans avoir atteint un résultat bénéficiaire depuis la perception de ces dividendes fixé par l’article 9 de la convention fiscale franco-allemande de droit commun de l’impôt sur les sociétés ne se réalise à la fin de l’exercice au cours duquel ils ont été perçus qu’à la condition que le résultat de cette société ait été bénéficiaire durant cet exercice, une telle imposition pouvant, le cas échéant, ne jamais intervenir si ladite société cesse ses activités sans avoir atteint un résultat bénéficiaire depuis la perception de ces dividendes fixé par l’article 9 de la convention fiscale franco-allemande. »

Conseil d’Etat, 27 novembre 2019

La possibilité d’une justification au traitement discriminatoire d’une retenue à la source

Le droit de l’UE interdit les discriminations au sein de l’UE. Cependant, il admet de manière dérogatoire des discriminations, si elles répondent à une justification. Les justifications permises se trouvent notamment aux articles 63 et 62 du TFUE.

 » En l’absence de justification pertinente à cette restriction, la Cour de justice a dit pour droit que “ les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle les dividendes distribués par une société résidente font l’objet d’une retenue à la source, et les sociétés résidentes, qui sont imposées en fonction du résultat net bénéficiaire ou déficitaire enregistré, la législation française procure un avantage fiscal substantiel aux sociétés résidentes en situation déficitaire dont ne bénéficient pas les sociétés non-résidentes déficitaires et que cette différence de traitement dans l’imposition des dividendes, qui ne se limite pas aux modalités de perception de l’impôt, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux qui n’est pas justifiée par une différence de situation objective “.

Conseil d’Etat, 27 novembre 2019

L’illégalité d’une retenue à la source sur une imposition future et hypothétique

Le Conseil d’Etat considère que la retenue à la source effectuée est illégale. Elle estime ainsi qu’une retenue à la source n’est pas possible sur une imposition future et hypothétique. Ainsi, le fisc ne peut prétendre percevoir un impot sur un exercice fiscale qui n’arrivera peut être jamais.

 » Il résulte de ce qui précède que le droit de l’Union européenne fait obstacle à ce qu’en application des dispositions du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts, une retenue à … de droit commun de l’impôt sur les sociétés ne se réalise à la fin de l’exercice au cours duquel ils ont été perçus qu’à la condition que le résultat de cette société ait été bénéficiaire durant cet exercice, une telle imposition pouvant, le cas échéant, ne jamais intervenir si ladite société cesse ses activités sans avoir atteint un résultat bénéficiaire depuis la perception de ces dividendes fixé par l’article 9 de la convention fiscale franco-allemande. de droit commun de l’impôt sur les sociétés ne se réalise à la fin de l’exercice au cours duquel ils ont été perçus qu’à la condition que le résultat de cette société ait été bénéficiaire durant cet exercice, une telle imposition pouvant, le cas échéant, ne jamais intervenir si ladite société cesse ses activités sans avoir atteint un résultat bénéficiaire depuis la perception de ces dividendes fixé par l’article 9 de la convention fiscale franco-allemande.« 

Conseil d’Etat, 27 novembre 2019

La vérification nécessaire de la situation déficitaire de l’entreprise pour établir la discrimination

Le Conseil d’Etat estime qu’il est nécessaire de vérifier au préalable la situation économique de l’entreprise. En effet, pour pouvoir déterminer une différence de traitement au regard de l’impot, il faut constater sa situation déficitaire. Elle estime ainsi, qu’il n’y a pas de restriction à la liberté d’établissement, dans cette situation. En effet, pour retenir la restriction, il fallait d’abord caractériser la situation déficitaire de l’entreprise.

 » 7. En jugeant que l’imposition par la retenue à … de droit commun de l’impôt sur les sociétés ne se réalise à la fin de l’exercice au cours duquel ils ont été perçus qu’à la condition que le résultat de cette société ait été bénéficiaire durant cet exercice, une telle imposition pouvant, le cas échéant, ne jamais intervenir si ladite société cesse ses activités sans avoir atteint un résultat bénéficiaire depuis la perception de ces dividendes fixé par l’article 9 de la convention fiscale franco-allemande. de droit commun de l’impôt sur les sociétés ne se réalise à la fin de l’exercice au cours duquel ils ont été perçus qu’à la condition que le résultat de cette société ait été bénéficiaire durant cet exercice, une telle imposition pouvant, le cas échéant, ne jamais intervenir si ladite société cesse ses activités sans avoir atteint un résultat bénéficiaire depuis la perception de ces dividendes fixé par l’article 9 de la convention fiscale franco-allemande KG ne pouvait être regardée comme constituant une différence de traitement caractérisant une restriction à la liberté d’établissement sans vérifier l’existence d’une situation déficitaire au regard de la législation de son Etat de résidence, la cour a commis une erreur de droit.« 

Conseil d’Etat, 27 novembre 2019

Cette décision est très importante pour les praticiens et les avocats dans le domaine de la fiscalité internationale.